mardi 29 septembre 2015

ONU: Poutine n'exclut pas des frappes russes pour combattre Daech

Il est de retour. Le président russe Vladimir Poutine n'a pas exclu lundi de frapper Daesh (groupe Etat islamique) en Syrie, en appui à son allié Bachar al-Assad, et il a accusé ses homologues américain et français de vouloir décider qui doit diriger ce pays ravagé par la guerre.
La Syrie monopolise l'Assemblée générale des Nations unies à New York et a été l'objet lundi d'une confrontation entre Vladimir Poutine et Barack Obama, qui se sont entretenus pendant une heure et demie au siège de l'organisation internationale.
Le président russe s'est également payé Obama et Hollande...




Le président américain Barack Obama trinque avec son homologue russe Vladimir Poutine lors d'un déjeuner organisé par le secrétaire général de l'ONU, le 28 septembre 2015 au siège new-yorkais de l'organisation
Le président américain Barack Obama trinque avec son homologue russe Vladimir Poutine lors d'un déjeuner organisé par le secrétaire général de l'ONU, le 28 septembre 2015 au siège new-yorkais de l'organisation -

Première rencontre depuis 2013

Cette rencontre officielle, la première depuis plus de deux entre les deux hommes, a été «constructive et (...) étonnamment ouverte», a confié Poutine lors d'une conférence de presse. «Selon moi, il existe une base de coopération sur nos problèmes communs», a-t-il dit, en russe. Il est ensuite revenu sur sa stratégie militaire et diplomatique pour la Syrie.
Interrogé sur les récentes frappes menées par la France et l'Australie, il a refusé de balayer une telle éventualité par ses forces armées qui renforcent leur présence depuis des semaines dans ce pays. «Nous y réfléchissons. Nous n'excluons rien. Mais si nous devons agir, ce sera uniquement en respectant complètement les normes de droit international», a déclaré le chef du Kremlin qui s'est replacé au centre du jeu diplomatique sur le conflit syrien.

Proposition de coalition

A la tribune des Nations unies, Poutine avait proposé lundi matin une coalition internationale élargie pour vaincre l'Etat islamique, en soutien à l'armée de Damas. Il avait aussi affiché son unité avec le président iranien Hassan Rohani, autre allié du régime syrien.
En revanche, le président Poutine a exclu d'envoyer en Syrie des troupes de combat au sol. «Nous réfléchissons à la manière d'aider davantage l'armée syrienne. (Mais) en ce qui concerne des troupes au sol (...) une implication russe ne peut pas faire l'objet de discussions», a déclaré le président russe, dont les propos étaient traduits en anglais.

Piques contre Obama et Hollande

 
Il ne s'est toutefois pas privé pour critiquer Barack Obama et François Hollande, qui appellent régulièrement au départ du président Assad, seule solution selon eux pour mettre sur pied une transition politique dans ce pays détruit par quatre ans et demi de chaos qui a fait plus de 240.000 morts.
«J'ai le plus grand respect pour mes homologues américain et français mais ils ne sont pas des ressortissants syriens et ne doivent donc pas être impliqués dans le choix des dirigeants d'un autre pays», a taclé M. Poutine devant la presse. Obama et Poutine ont étalé lundi leurs divergences sur la Syrie: l'Américain estimant que le président Assad est un «tyran», le Russe jugeant qu'il représente la seule autorité légitime pour lutter contre le groupe Etat islamique.

Commentaire : Poutine fait preuve d’une grande intelligence stratégique avec son initiative en Syrie

Jacques Cheminade, ancien candidat à l'élection présidentielle, président du parti Solidarité et Progrès, commente l'intervention du président russe Vladimir Poutine prononcé lundi lors de la 70e session de l'Assemblée générale de l'Onu.
M. Cheminade estime que les relations  Poutine-Obama sont déterminantes pour l’avenir de l’humanité. 
D'après M. Cheminade, M. Obama ne cesse de "parler de l’hyperpuissance mais il n’y a plus d'hyperpuissance parce que le gouvernement américain actuel est associé à un système financier et monétaire qui est en train de s’effondrer. On voit maintenant l’effondrement de ce système monétariste occidental". 
Et M. Cheminade d'expliquer qu'il y a deux voies à suivre. L'une va dans le sens de l’évolution vers l’irrespect de la démocratie  qui mènera à la guerre. L'autre, à l'encontre du monde gagnant dans la lutte contre le terrorisme ou le développement économique mutuel, comme l'avaient dit le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping.

"Sur la Syrie, la France essaye de faire croire qu’elle maintient toujours sa position. Hélas ou heureusement, elle ne peut pas grand-chose", a ajouté Jacques Cheminade. 
Sur la question du terrorisme, le politicien a remarqué qu'"on joue avec les terroristes pour les manipuler, pour jouer les uns contre les autres. On voit cette politique non seulement au Moyen Orient mais au Mexique, en Amérique centrale. On voit les pays occidentaux perdre leur moral. La démarche gagnant-gagnant de V. Poutine ou Xi Jinping définit une autre politique. Je pense que la France et de plus en plus de secteurs français partagent ce point de vue que je viens de vous exposer. Le milieu industriel français, les agriculteurs, parlent de plus en plus haut et fort de l’arrêt des sanctions, et les militaires français savent très bien que la Russie ne peut pas être un adversaire mais un partenaire. On espère que la politique des USA pourra être changée". 
Sur l'Ukraine: "on a des gens en France et en Allemagne qui peuvent faire une politique qui permette la paix. Il est très clair que Victoria Nuland qui représente l’administration américaine  a organisé le coup d’Etat de Maïdan. Maintenant, il faut que les Européens concluent un accord réel avec la Russie et arrêtent cette politique de sanctions qui nuit à tout le monde", a conclu Jacques Cheminade.

Discours de Vladimir Poutine à la tribune de l'ONU.

Le 70e anniversaire de l’ONU est l’occasion d’évoquer le passé et de réfléchir à l’avenir. En 1945, les pays ont uni leurs efforts pour penser à l’après-guerre, et c’est dans notre pays, à Yalta, que se sont réunis les chefs de la coalition anti-hitlérienne.
Les différends à l’ONU ont toujours existé et le droit de veto a toujours été appliqué par tous les membres du Conseil de Sécurité. C’est normal. Au moment de la création de l’ONU, on ne comptait pas sur l’unanimité mais sur la recherche de compromis.
Nous savons tous qu’à la fin de la Guerre froide, il n’y a plus eu qu’un centre de domination. Ceux qui se trouvaient au sommet ont pensé qu’il ne fallait plus tenir compte de l’ONU, que l’organisation ne mettait que des bâtons dans les roues. Des rumeurs ont surgi : l’organisation était devenue obsolète et avait rempli sa mission originale.
Mais si l’ONU disparaît, cela peut conduire à l’effondrement de l’architecture mondiale et du droit international. C’est la raison du plus fort et l’égoïsme qui vont primer. Il y aura moins de libertés, plus d’Etats indépendants mais des protectorats gérés de l’extérieur. L’Etat, c’est la liberté de chacun. Dans les affaires internationales, chacun doit être clair et transparent. Nous sommes tous différents, il faut en tenir compte. Personne ne doit adopter un seul modèle de développement reconnu par un seul. Nous devons nous rappeler le passé, l’expérience de l’URSS.
Personne ne veut apprendre des erreurs d’autrui, tout le monde répète les siennes. Regardons les pays de l’Afrique et du Proche-Orient, bien sûr que les problèmes économiques et sociaux y ont mûri longtemps et que les gens y voulaient des changements. Mais l’intervention extérieure a conduit à la destruction de leurs structures étatiques, les droits de l’homme n’y sont plus respectés. Est-ce que vous comprenez ce que vous avez fait ?!, Je demande aux responsables de cette situation. Mais ces gens-là n’ont jamais renoncé à leurs politiques. Nous voyons des zones d’anarchie apparaître avec l’EI, on y trouve d’anciens combattants d’Irak, de Libye, un pays détruit, nous voyons aussi les membres de ce qu’on appelle l’opposition modérée recevoir une formation et puis passer dans le camp de l’EI.
L’EI continue son expansion dans d’autres régions et veut dominer le monde islamique. La situation est dangereuse et il est hypocrite de parler du terrorisme international et de fermer les yeux sur les flux de financement de ce terrorisme : les drogues, les armes, le pétrole. Il est aussi hypocrite de manipuler ces groupes de gens dans l’espoir de pouvoir les détruire par la suite. J’aimerais dire à ceux qui le pensent et le font : vous avez affaire à des gens cruels mais absolument pas idiots.
A vouloir jouer avec le terrorisme, il ne faut pas oublier que cette menace peut se propager à d’autres régions de la planète. Nous ne devons pas permettre à ces gens qui ont senti l’odeur du sang de revenir dans leurs pays d’origine et d’y poursuivre leur sale boulot. Personne ne le veut, nous non plus, nous pensons que c’est un erreur de refuser de soutenir les autorités syriennes qui se battent : seuls Assad et les Kurdes se battent réellement contre le terrorisme. Notre approche est franche et honnête, mais on nous accuse d’avoir des ambitions démesurées. Comme si ceux qui nous en accusent n’avaient pas d’ambitions du tout.
Nous ne pouvons plus tolérer la situation actuelle, et ce n’est pas une question d’ambitions : nous nous basons sur les valeurs, le droit international. Nous devons unir nos efforts pour former une coalition large, comme celle contre Hitler, pour lutter contre ceux qui sèment le mal.
Les réfugiés ont besoin de notre compassion et de notre soutien. Mais pour résoudre leur problème, nous devons restaurer l’Etat là où il a été détruit, le renforcer là où il est fragile, et aider ceux qui sont en péril et ceux qui ne quittent pas leur pays. Nous devons faire tout cela selon les règles de l’ONU. Respecter ce qui se fait dans le cadre de l’ONU et rejeter le reste. Nous devons aider la Libye, l’Irak et les autorités légitimes en Syrie.
Nous devons créer une sécurité indivisible. Mais malheureusement c’est toujours la manière de penser en bloc du temps de la Guerre froide qui domine actuellement en suivant la ligne de l’élargissement de l’OTAN, qui continue de se développer. Tôt ou tard, cette logique devait mener à une crise géopolitique, comme avec l’Ukraine où une guerre civile a eu lieu. Pour mettre fin à cela, nous devons respecter les accords de Minsk et tenir compte des droits des populations du Donbass. Ce n’est que comme ça que l’Ukraine sera un Etat civilisé, un maillon entre l’Europe et l’Asie.
Nous pensions que nous allions agir en toute transparence dans l’économie, y compris selon les règles de l’OMC. Mais les sanctions unilatérales sont devenues la norme et servent à supprimer des concurrents. Des unions se créent sans consulter les habitants des différents pays. Tout se fait en cachette, on nous met devant le fait accompli. Il s’agit d’un réel petit cercle d’élus qui décident.
La Russie propose d’harmoniser les différents projets économiques : un projet d’intégration basé sur des règles uniques. Nous allons déjà dans cette direction. Par exemple, nous avons entamé la coordination de l’Union économique eurasiatique avec le projet chinois de Ceinture de la route de la soie.
Quant au changement climatique, nous voulons que la conférence (COP21) porte ses fruits. D’ici 2030, nous nous engageons à diminuer les émissions de gaz à effet de serre à 77 %. Pour résoudre nos problèmes de façon radicale, nous devons adopter des technologies qui ne nuisent pas à l’environnement. C’est un défi planétaire, nous devons unir nos efforts, y compris avec les Etats scientifiquement puissants. Nous devons envisager les problèmes existants de façon globale. La Russie peut être une base à cela.
En 1946, le diplomate colombien Zuleta Angela avait formulé les principes de l’ONU : la bonne volonté, pure de toute idée d’intrigue et de ruse et l’esprit de coopération. La Russie veut suivre ces principes et nous devons choisir la coopération : ensemble, nous allons rendre le monde stable et sûr, et garantir son développement.
Hannibal GENSERIC